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‘’Ils ont été naïfs, je ne trahirai jamais la République’’ : Tevoédjré dévoile comment il a manipulé Homeky et Boko pour protéger l’État.

Comme prévu, le procès d’Olivier Boko, Oswald Homéky et de leurs co-prévenus se poursuit devant la CRIET. L’audience, suspendue le 23 janvier 2025, avait pour but de permettre aux accusés de compléter les formalités nécessaires pour la constitution de nouveaux avocats. Toutefois, ce délai n’a pas suffi à ces derniers pour s’engager de nouveaux avocats, forçant ainsi la Cour à ordonner la reprise de l’audience.

Le commissaire de deuxième classe, Victorien Nounagnon, Chef de l’antenne sud de la brigade criminelle, a été convoqué à la barre pour détailler les résultats de l’enquête qu’il a menée. Il a expliqué qu’une alerte reçue d’une source anonyme annonçant des préparatifs pour un coup d’État l’avait conduit à procéder à plusieurs arrestations, dont celles de l’ex-ministre des Sports, Oswald Homéky et d’Olivier Boko, supposé instigateur de cette tentative.

Selon les éléments recueillis, Oswald Homéky aurait mené des négociations avec le commandant de la garde républicaine, qui, en cas de réussite du coup d’État, aurait dirigé la transition. De plus, une large partie des fonds mobilisés pour financer ce projet provenait de retraits effectués par des employés de Rock Niéri. Le chauffeur de Homéky aurait, selon l’enquête, affirmé qu’une partie de l’argent aurait été transportée dans un véhicule immatriculé au Togo, où Olivier Boko se trouvait également.

L’enquête a permis à la brigade criminelle de surprendre le commandant et l’ancien ministre au domicile de ce dernier, où six sacs remplis de billets ont été retrouvés. Après décompte, il a été constaté que ces sacs contenaient des billets de 10 000 FCFA et de 5000 FCFA : 129 lots de billets de 10 000 FCFA d’une valeur de 10 millions et 41 lots de billets de 5000 FCFA représentant également 10 millions de FCFA. À l’interrogatoire, Homéky a expliqué que cet argent était destiné à des investissements dans ses projets alimentaires et de boissons à l’international, notamment dans les pays où il était déjà actif. D’autres éléments de l’enquête ont révélé que le véhicule dans lequel les fonds ont été transportés avait été acquis seulement 72 heures avant l’interpellation et que la procédure de mise en plaque n’avait pas été suivie.

Après la présentation des résultats de l’enquête, la Cour a invité le Colonel Djimon Tévoèdjrè, commandant de la garde républicaine, à témoigner. Dans sa déposition, il a détaillé ses relations avec Oswald Homéky, qu’il qualifie d’ami depuis de nombreuses années, et a expliqué comment ce dernier avait tenté de le convaincre de participer au coup d’État. Le Colonel a précisé :

« Je suis à ce poste depuis juillet 2016. En tant que commandant garde républicaine, je suis en charge de la sécurité du chef de l’État, de sa famille, des membres du gouvernement et de toutes les institutions de l’État. Il faut dire que Monsieur Oswald Homéky et moi sommes des amis. On s’est connus depuis qu’il est au gouvernement. On était très proches. C’est l’un des rares membres du gouvernement que je tutoie. Il m’a fait rejoindre un Lions Club dont il est le fondateur. À sa sortie du gouvernement, nos relations sont restées. »

Le Colonel Tévoèdjrè a détaillé plusieurs rencontres avec Homéky, à partir de mai 2024, où ce dernier l’a sollicité à plusieurs reprises pour échanger sur la situation politique, en cherchant à le convaincre de rejoindre un projet de coup d’État. Il a précisé que, lors de ces échanges, Homéky critiquait le chef de l’État et ses conditions de travail. Selon le Colonel, Homéky lui a même offert 5 millions de FCFA et a évoqué l’ouverture d’un compte bancaire pour améliorer ses conditions de vie.

Il a aussi révélé que, si le coup d’État avait abouti, il aurait été nommé à la tête de la junte militaire, tandis que Homéky aurait pris le poste de conseiller spécial du président. Le Colonel Tévoèdjrè a souligné qu’il n’avait jamais discuté d’un tel projet avec Olivier Boko, mais a expliqué qu’il avait appris les détails de ce plan au fur et à mesure des échanges avec Homéky.

« Tout a commencé le 30 mai 2024. Le 30 juillet, c’est la première fois que Oswald Homéky m’a parlé du coup d’État. Par la suite, le 30 septembre était la date initiale du coup d’État. Mais elle a été ramenée au 27 septembre », a indiqué le Colonel.

Tévoèdjrè a aussi révélé des informations détaillées sur la préparation du coup d’État. Selon ses explications, la date du 30 septembre n’avait pas été choisie au hasard, car Homéky savait que le Président devrait être à l’étranger pour participer au sommet de la Francophonie. Il a décrit comment les fonds nécessaires à la réalisation du projet avaient été fixés à 1 milliard 500 millions de FCFA. Ces fonds étaient destinés à motiver les complices du coup, mais aussi à garantir ses propres arrières en cas d’échec.

Le Colonel a raconté qu’il avait pris soin d’éloigner certains officiers clés, comme le capitaine major Migan, du territoire pour garantir le succès de l’opération. Cependant, lorsqu’il a été question de la mise à disposition de l’argent, il a insisté pour que celui-ci soit versé en numéraire, une demande qui a été finalement satisfaite. Lors de l’interpellation des accusés, il a été amené à observer les sacs d’argent, mais Homéky a refusé d’ouvrir la malle arrière du véhicule où les fonds étaient dissimulés.

Enfin, Tévoèdjrè a exprimé son sentiment de devoir accompli, expliquant qu’il avait eu deux options : accepter le coup d’État ou le refuser. Il a choisi de protéger la République et a fait savoir qu’il n’avait jamais eu l’intention de trahir son pays. Il a expliqué sa décision de prévenir les autorités au bon moment et de gérer la situation avec prudence.

« J’ai choisi la République. Et je vous fais une confidence. J’ai 51 ans… Et ma loyauté n’est pas à marchander. Ils ont été naïfs. Ils sont tombés sur la mauvaise personne. J’ai le sentiment du devoir accompli. »

Tévoèdjrè a enfin conclu que, même après la révélation publique de l’affaire, il ne se sentait pas en sécurité. Il a précisé que son rôle avait été essentiel pour prévenir le coup d’État, même s’il était conscient des dangers auxquels il faisait face des deux côtés.

« M. Homéky et M. Boko ont été naïfs. Ils se sont trompés de personne. Moi j’ai choisi le bon moment pour informer mon patron du projet. Et je peux vous dire que l’intervention de la police au domicile de M. Homéky la nuit du 23 au 24 septembre 2024 ne m’est pas étrangère. »

Ainsi, c’est par sa vigilance et son sens du devoir que le Colonel Tévoèdjrè a permis de faire échouer ce projet de coup d’État.

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