Le doublement du débit annoncé par Maroc Telecom le 20 avril, suivi par Orange et Inwi, marque une avancée notable vers le très haut débit au Maroc. Mais derrière cette accélération technique se cachent des inégalités d’accès persistantes qui limitent l’impact de cette initiative.
Avec une vitesse désormais portée à 1 Gb/s pour les abonnés fibre, le Maroc affiche une volonté de modernisation numérique. Toutefois, les chiffres restent modestes. A peine 1,06 million de foyers connectés en FTTH fin 2024, contre 1,59 million encore dépendants de l’ADSL, un réseau quasiment figé. Cette lente adoption du très haut débit s’explique par un déploiement inégal et une fracture territoriale marquée. Dans les grandes villes, les opérateurs investissent massivement. En revanche, les zones rurales et les banlieues peinent à suivre, freinées par les coûts, les délais administratifs et les difficultés techniques, notamment dans les immeubles collectifs.
L’aspect économique aggrave ces disparités. Malgré des baisses tarifaires, la fibre reste hors de portée pour de nombreux ménages. Le service reste perçu comme un luxe, accentuant la domination de l’internet mobile, qui représente encore 93 % des abonnements au Maroc.
Autre problème majeur : le manque d’information. Beaucoup d’usagers n’identifient pas clairement les bénéfices de la fibre face à la 4G. L’absence de campagnes de sensibilisation nuit à l’adoption de ce service pourtant essentiel dans un contexte de numérisation croissante (télétravail, streaming, cloud, objets connectés).
Enfin, la stratégie publique semble à la traîne. Contrairement à d’autres pays qui misent sur l’appui des collectivités locales, le Maroc adopte une démarche prudente, peu propice à une généralisation rapide. L’ambition affichée de la stratégie « Digital Maroc 2030 » rendre la fibre accessible à 5,6 millions de foyers nécessitera bien plus que des annonces commerciales : une volonté politique forte, des investissements ciblés et une mobilisation des acteurs publics et privés.
Le pays est donc à la croisée des chemins. La technologie est là, mais pour qu’elle transforme réellement la société marocaine, il faudra lever les freins structurels qui en limitent encore l’accès.